Depuis le 24 février, l’ancien chirurgien Joël Le Scouarnec est jugé par la Cour criminelle du Morbihan, à Vannes, pour viols et agressions sexuelles aggravées sur 299 personnes, pour la plupart mineures au moment des faits. Vendredi 23 mai, le procureur a requis contre lui une peine d’une sévérité exemplaire : 20 ans de prison – le maximum – assortie d’une mesure de sûreté des deux tiers avant toute libération. Le magistrat a en outre demandé une rétention de sortir, c’est-à-dire un placement en centres de soins à l’issue de la peine, d’un minimum d’un an renouvelable. Il a justifié cette sévérité exemplaire “eu égard à la gravité” des faits et en raison d’un “risque très élevé de récidive”, la mesure de rétention provenant “du fait des troubles graves de sa personnalité et de la dangerosité induites par ces troubles”.
Le Scouarnec, 74 ans, avait déjà été condamné en 2005 à quatre mois de prison avec sursis pour détention d’images pédopornographiques, puis en 2020 à 15 ans de réclusion criminelle pour viols et atteintes sexuelles sur quatre mineurs. Parmi eux, une petite voisine âgée de six ans, dont le témoignage avait donné lieu à la perquisition qui a permis de révéler l’ampleur des crimes du chirurgien.
Trahi par ses propres « carnets noirs »
L’accusé profitait de sa fonction de médecin pour abuser de ses victimes. Exerçant dans 18 hôpitaux parmi lesquels ceux de Vannes, Lorient ou Quimper, il profitait que les enfants soient encore sous l’effet de l’anesthésie, au bloc opératoire ou en salle de réveil, pour les violer ou les agresser sexuellement. Il consignait ses actes pédocriminels dans des « carnets noirs », découverts en 2017 lors d’une perquisition à son domicile : plusieurs milliers de pages relatant ses pulsions, le détail de sa vie sexuelle et les abus commis sur ses patients et des enfants de son entourage. Les 299 victimes ont été retrouvées grâce à ces journaux intimes tenus pendant trente ans. Il y revendique ouvertement une « pédophilie » dont il se dit fier et heureux.
En dépit de sa condamnation en 2005, Joël Le Scouarnec s’est vu confier d’importantes responsabilités : il a notamment été nommé à la tête du service chirurgie de l’hôpital de Quimperlé en 2006, alors même que le directeur de l’établissement était au courant des faits reprochés. L’Ordre des médecins était également avisé, sans qu’aucune mesure ne soit prise contre le chirurgien – pas même un éloignement des patients mineurs, ce qui lui a permis de multiplier ses abus.
Un risque important de récidive
Pendant les trois mois du procès, Le Scouarnec n’a montré aucune compassion pour ses centaines de victimes, conservant une attitude détachée et impassible. Mais le 20 mars, l’ancien chirurgien a reconnu tous les faits dont il est accusé, ainsi que des actes antérieurs tombant sous le coup de la prescription, notamment des violences sexuelles sur sa petite-fille. Il avait pourtant répété tout au long du procès ne pas se souvenir des viols et agressions sexuelles commis. « Reconnaître des faits sans s’en souvenir, ça ne fait aucun sens », a fustigé Maître Giovanni Bertho-Briand, avocat de certaines des parties civiles.
L’accusé s’est contenté de répéter sa litanie d’excuses, au mot près, une « grande sérénade » selon Maître Delphine Caro, autre conseil des parties civiles. « Ils [les victimes] ne vous pardonneront jamais », lui a lancé Maître Thomas Delaby. À une semaine de la fin du procès, les victimes se sont organisées en collectif pour obtenir de l’État la création d’une commission interministérielle réunissant la Santé, la Justice et le Haut-commissariat à l’enfance.
Joël Le Scouarnec encourt jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle, pour ne serait-ce qu’un seul des viols commis sur ses patients mineurs. L’enjeu principal est donc de savoir si la sentence sera assortie d’une peine de sûreté.
Aux yeux des experts qui l’ont examiné, Joël Le Scouarnec est apparu « totalement responsable de ses actes » et présentant un risque très important de récidive. « La vigilance sera toujours de mise, il n’y aura pas de guérison en tant que telle », a déclaré devant la cour la psychiatre Isabelle Alamone. Les plaidoiries de la défense auront lieu le 26 mars et le délibéré est prévu deux jours plus tard.
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