Les clichés sont parfois confirmés par les données. Au pays du bas de laine, mettre de l’argent de côté reste un sport national. Ainsi, 90,5 % des ménages « détiennent au moins un produit financier », révèle l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dans son Focus sur « La détention du patrimoine des ménages en 2024 » publié le 14 mai dernier.
Ils sont également 61,2 % à posséder au moins un bien immobilier mais seulement 6,3 % à ne détenir que du patrimoine résiduel (voiture, électroménager…). Quant au patrimoine professionnel, qui concerne surtout les indépendants (agriculteurs, commerçants, médecins…), il n’est détenu que par 15,3 % des Français.
Les appels à investir dans la Bourse ou l’entreprise n’y changent rien. Année après année, la détention de livrets d’épargne défiscalisés est plébiscitée. Près de 87 % des ménages en possèdent un, dont 78,1 % possèdent un Livret A, 39,7 % un livret de développement durable et solidaire (LDDS), 21,5 % un livret d’épargne populaire (LEP), et 9,8 % un livret jeune. « Produit financier le plus fréquemment détenu, il constitue un placement sans risque de perte en capital mais au rendement faible, voire parfois inférieur à l’inflation, comme en 2024 », explique l’Insee.
L’assurance-vie pour éviter l’impôt sur les successions
Leur taux de détention a même augmenté de 3 % entre 2021 et 2024, reflet de l’importante hausse de l’épargne durant la période du Covid. Au total, durant les dix-huit mois de crise sanitaire, 40,66 milliards d’euros avaient été déposés sur les seuls Livrets A et LDDS, au point qu’on a parlé de « surépargne ». Cette domination des livrets d’épargne concerne toutes les catégories socioprofessionnelles (CSP). À l’inverse, les valeurs mobilières (actions, sicav…), qui ne représentent que 17,4 % de l’ensemble des placements financiers, constituent 42,6 % de celui des professions libérales, 31,7 % pour les cadres mais 8 % seulement chez les ouvriers et 11,2 % chez les employés.
Autre produit qui a le vent en poupe : l’assurance-vie. Début 2024, celle-ci est détenue par 41,7 % des Français, soit presque 16 points d’augmentation en dix ans. « C’est le placement qui a connu la plus forte croissance » indique Aurélie Goin, cheffe de la division logement et patrimoine de l’institution. Cela s’explique par sa « fiscalité attractive », mais surtout parce qu’elle « permet de transmettre son patrimoine en succession dans des conditions intéressantes ».
Son rôle dans les stratégies d’évitement de l’impôt sur les successions explique aussi la spécificité du profil de ses détenteurs. « Alors que le taux de détention de l’épargne baisse après 60 ans, celui de l’assurance-vie continue, lui, de croître » explique Aurélie Goin. Son évolution a été plus au moins inverse de celle de l’épargne logement, en chute de 13 points depuis 2004, en raison de taux de rendement assez bas (2 %), mais aussi parce que la baisse des taux d’intérêt d’emprunts immobiliers lui a fait perdre une partie de ses avantages. L’assurance-vie constitue plus de 50 % du patrimoine financer des cadres, professions libérales et agriculteurs mais à peine plus de 30 % chez les ouvriers et les employés.
Accroissement des inégalités
Phénomène nouveau en revanche, la montée en popularité de l’épargne retraite. Depuis 2021, son taux de détention a augmenté de 2,7 points, pour concerner 19,1 % des ménages début 2024. L’Insee explique cette progression par la loi pacte de 2019, qui a créé de nouveaux supports qui « visent à attirer plus d’épargnants en offrant des conditions plus souples de sorties en rente ou en capital et une fiscalité avantageuse ».
Ce sont les CSP pour qui la retraite par répartition est le moins avantageuse, qui en comptent le plus dans leur patrimoine financier : 58 % de celui des professions libérales et 44,8 % chez les agriculteurs, loin devant les employés et les ouvriers (respectivement 13,1 % et 11,1 %). Ils sont néanmoins suivis de près par les cadres, qui sont 40,6 % à avoir investi dans ces produits. Ces derniers sont également les plus concernés par l’épargne salariale : 43,8 % d’entre eux en profitent.
Au-delà de cette radiographie de la typologie des formes d’épargne, il faudra encore attendre la fin de l’année pour que l’Insee puisse chiffrer la façon dont ce patrimoine se répartit entre les Français. Les résultats devraient confirmer la tendance d’un accroissement des inégalités observé depuis vingt ans. Dans sa version publiée en octobre 2024, l’institut notait que la moitié la plus aisée des ménages « détient 92 % de la masse totale de patrimoine brut », quand l’autre moitié se partage les 8 % restants.
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