Amélie de Montchalin serait bien inspirée de relire Albert Einstein. Pour le célèbre physicien, « la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ». On ne pouvait s’empêcher de repenser à cette célèbre maxime en écoutant, dimanche 27 avril, la ministre des Comptes publics réciter son bréviaire ultralibéral. Sur les ondes très progressistes d’Europe 1 et de CNews, cette macroniste zélée, à la recherche d’économies, a proposé d’inscrire dans le budget 2026 la suppression ou la fusion d’un tiers des 450 agences et opérateurs de l’État. CNRS, Météo France, Office français de la biodiversité, Agences régionales de santé… Au total, la saignée, dont elle espère retirer 2 à 3 milliards d’euros, pourrait concerner de près ou de loin quelque 180 000 emplois publics.
Le plus fou – comme dirait Einstein – est que cette annonce est faite au moment même où, de l’autre côté de l’Atlantique, un certain Elon Musk reconnaissait dans les médias l’échec de cette même politique de destruction de l’administration de l’État… Depuis trois mois, la Commission pour l’efficacité gouvernementale – le fameux DOGE – pilotée par le milliardaire libertarien a jeté à la rue des dizaines de milliers de fonctionnaires, coupé aveuglément les crédits indispensables à une multitude d’organismes publics de santé ou de recherche, pour, au final, ne pas produire les économies budgétaires claironnées. Tout contrit, le patron de Tesla, avec l’inconséquence qu’on lui connaît, a annoncé la semaine dernière qu’il allait finalement se recentrer sur son business, en chute libre depuis son entrée en politique.
On aurait pu espérer que ce fiasco instille une once de doute dans le logiciel économique d’Amélie de Montchalin. Que nenni. Le chaos trumpien n’ébranle pas la ministre qui en reprend la lettre et l’esprit. À l’image de son collègue de la Fonction publique, Laurent Marcangeli, qui considère que « notre pays est obèse de sa bureaucratie », l’ancienne d’HEC et de l’assureur Axa vit enfermée dans un présupposé idéologique très reaganien : moins il y a d’État et de régulation, plus il y a « d’efficacité ». Un refrain que reprennent en chœur droite et extrême droite depuis des années. Or, la seule « efficacité » jamais démontrée par ce type de politique est l’explosion des inégalités, l’affaiblissement des services publics et le recul de la cohésion citoyenne. Contrairement aux sous-entendus d’Amélie de Montchalin, ces opérateurs et agences sont essentiels à la mise en œuvre locale des politiques publiques. Les réduire ainsi, c’est affaiblir l’égalité de traitement sur le territoire, miner la production de savoirs scientifiques rigoureux et indépendants, éloigner encore plus chaque Français, notamment les plus modestes, des décisions qui les concernent.
Mais dans le monde alternatif d’Amélie de Montchalin, où l’on s’accommode bien des hiérarchies sociales, ces perspectives ne gênent aucunement. Pas plus que de faire porter le chapeau des dérapages budgétaires à des fonctionnaires qui n’y sont pour rien. Faut-il le rappeler une nouvelle fois ? Depuis dix ans, au nom de la politique de l’offre, les seize politiques d’allègement fiscal envers les entreprises et les plus fortunés (Cice, pacte de responsabilité…) ont jeté par la fenêtre, sans retour sur investissement, 460 milliards d’euros ! Un gouffre qui compte pour 42 % de l’accroissement de la dette française sur cette période. Entendre aujourd’hui le gouvernement donner des leçons de maîtrise budgétaire en s’acharnant sur un secteur public en souffrance relève de l’indécence et d’une incohérence coupable à laquelle il serait bien avisé de mettre fin. Pas besoin d’être Einstein pour le comprendre.
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