Un rhume, une forte fièvre, suivie de l’apparition de boutons rouges sur le visage et sur le corps… Autant de symptômes caractéristiques de la rougeole. « C’est le virus probablement le plus contagieux que l’on connaisse, estime l’infectiologue Odile Launay. Le porteur peut infecter jusqu’à quinze personnes. La maladie, bénigne dans la majorité des cas, peut avoir des conséquences respiratoires ou neurologiques graves, amenant dans le pire des scénarios au décès du patient. »
Alors que la maladie avait quasiment disparu des radars en 2022 et 2023, la rougeole connaît cette année une résurgence préoccupante en France. Une augmentation observée également à l’échelle mondiale.
Autant de cas durant les quatre premiers mois de l’année 2025 qu’en 2024
Du 1er janvier au 13 avril 2025, 427 cas ont été déclarés aux Agences régionales de santé (ARS), soit un total approchant le nombre de cas déclarés pour l’ensemble de l’année 2024 (483). Sur l’ensemble des cas rapportés, 35 % ont été hospitalisés et près de 14 % ont connu des complications (pneumopathies ou encéphalites). Et un patient adulte immunodéprimé est décédé.
En comparaison avec les mêmes périodes de l’année dernière, l’épidémie touche plus particulièrement les jeunes adultes. Chez les enfants nés après 2018, soumis à la vaccination obligatoire aux vaccins ROR (rougeole — oreillons-rubéole), le virus circule moins. Preuve que la vaccination reste le moyen le plus efficace de prévenir la maladie.
De multiples facteurs expliquent cette recrudescence de la maladie. « La résurgence à laquelle on assiste s’explique par la situation mondiale et la baisse de vaccination globale enregistrée à la suite de la pandémie de la Covid 19. D’importantes épidémies de rougeole sont en cours au Maroc, en Europe de l’Est et aux États-Unis. Le virus a ainsi été réintroduit sur le territoire français et s’est diffusé au travers de communautés pas vaccinées ou mal vaccinés, indique Odile Launay. Pour atteindre l’immunité collective, il faudrait que la couverture vaccinale soit de 95 % avec deux doses de vaccins reçues. Or elle gravite autour de 87 % avec des disparités sur le territoire. Par ailleurs, mêmes chez les cohortes d’enfants nés après 2018, elle stagne autour de 92 %. »
Des foyers épidémiques en milieux scolaires
Deux régions sont particulièrement touchées par l’épidémie de rougeole. Selon l’ARS des Hauts-de-France, « plus de 120 cas de rougeole ont été enregistrés. Dans un premier temps, les cas étaient principalement concentrés sur la métropole lilloise, mais désormais ils sont répartis plus largement dans les Hauts-de-France. »
Les principaux foyers déclarés se sont manifestés dans des collectivités de gens du voyage. « Les services départementaux de prévention santé ont été mobilisés pour organiser une campagne de vaccination auprès de ces communautés. Trente-trois personnes, dont une majorité d’enfants, ont été vaccinées à cette occasion », affirme Estelle Cossec, directrice adjointe du service prévention santé du Nord.
Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, « à ce jour, une centaine de cas ont été enregistrés. En Haute-Savoie, deux foyers sont en cours mais la circulation n’est pas inquiétante. Le département d’Isère a connu un important foyer épidémique mais la situation est maintenant stabilisée », précise le docteur Anne-Sophie Ronnaux-Baron, responsable du pôle régional de veille sanitaire de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes. « Dans le territoire de la Bièvre, nous avons organisé des séances de vaccination dans neuf établissements scolaires, là où plusieurs cas de rougeole avaient été déclarés. Nous avons ainsi vacciné près de 160 personnes, en grande majorité des élèves qui étaient mal ou pas vaccinés ».
La plupart des mineurs concernés sont nés après 1980 mais avant 2018, ils restent donc soumis à la seule recommandation vaccinale et non pas à son obligation. Un chiffre que la responsable de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes estime « assez décevant par rapport à l’objectif fixé. Malheureusement, certains parents sont antivax. Ils n’anticipent pas toutes les conséquences potentielles pour leurs propres enfants mais également pour leurs proches. » Un phénomène qui s’explique par le profil type du défiant vaccinal, « dont le premier réflexe est de craindre davantage des effets délétères du vaccin, plutôt que de prendre en considération les effets bénéfiques de sa protection.
La perception du risque est altérée, les parents sont convaincus qu’ils protègent leurs enfants en ne les vaccinant pas », analyse Romy Sauvayre, sociologue des sciences et des croyances à l’Université Clermont Auvergne et au CNRS.
Des disparités socio-économiques
Le dernier bulletin Vaccination de Santé publique France montre pourtant une stabilisation de l’adhésion vaccinale à un niveau élevé, avec 83,7 % des personnes interrogées en métropole déclarant être favorables à la vaccination. En revanche, des disparités socio-économiques persistent et semblent même se creuser de plus en plus : les personnes aux revenus et niveau d’éducation moins élevés, se déclarent moins favorables à la vaccination.
L’infectiologue Odile Launay déplore « un manque de communication autour de la rougeole, maladie qui avait quasiment disparu, et sur son vaccin ROR. Au moment de la pandémie, tous les efforts d’information ont été tournés vers la covid au détriment d’autres virus ». Par ailleurs Santé publique France reconnaît que « la difficulté d’accès à un professionnel de santé sur le territoire peut avoir des conséquences en termes de couverture vaccinale ». Pour rappel, 87 % de la population française vit dans un désert médical.
Mais plus « surprenant, sur ce premier trimestre de l’année 2025, des crèches ont aussi été des foyers de l’épidémie de rougeole », s’étonne l’infectiologue. Or, il s’agit d’enfants de moins de cinq ans est donc normalement soumis à l’obligation vaccinale pour rentrer dans ses collectivités. Soit ces enfants étaient mal vaccinés, soit leurs parents ont obtenu de faux certificats de vaccination de la part d’un médecin. « Une pratique qui existe mais qui diminue depuis 2018 du fait de l’obligation vaccinale », affirme Anne-Sophie Ronnaux-Baron.
Dans le monde, selon l’OMS, la vaccination antirougeole a permis d’éviter plus de 60 millions de décès entre 2000 et 2023. En France, au cours de la période 2000-2021, on estime que 56 millions de décès dus à la rougeole ont été évités par la vaccination.
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