En faisant le choix d’être appelé Léon, le nouveau pape a délivré « urbi et orbi » un message clair : la référence à Léon XIII, Pape de 1878 à 1903. En plein développement du capitalisme industriel, celui-ci semble prendre le contrepied de son prédécesseur, Pie IX, qui fermait l’Église à son époque et condamnait le socialisme, le communisme et aussi le libéralisme, entendu comme l’affirmation de l’individu citoyen et des libertés religieuses et sexuelles qui vont avec.
Pour sortir de la situation de blocage dans laquelle se trouve alors l’église, Léon XIII remet à l’honneur l’enseignement des pensées de Thomas d’Aquin, lui-même inspiré par Aristote, dans une tentative d’alliance entre la foi et la raison. Il incite au développement de l’exégèse, c’est-à-dire à l’interprétation scientifique des textes fondamentaux. Il s’intéresse aux églises orientales, il ouvre les archives du Vatican aux chercheurs.
Une référence à Léon XIII qui lança l’acte fondateur de ce qu’on appelle la « doctrine sociale de l’Église ».
Gardant de son prédécesseur la volonté de contenir la poussée des idées révolutionnaires dans la classe ouvrière, il se distingue de lui par sa méthode. Il cherche des réponses nouvelles pour l’Église à des questions elles-mêmes nouvelles. Il pousse à des recherches sur l’évolution de la question du travail dans le monde capitaliste. En 1882 est créé un Comité romain d’études sociales dont sortira un mémoire amendé par le pape lui-même qui prendra le nom de « Rerum novarum » (choses nouvelles) en 1891, et qui sera l’acte fondateur de ce qu’on appelle la « doctrine sociale de l’Église ».
Dans une publication de l’Institut CGT d’histoire sociale datant de 2013, René Mouriaux commente ce texte en ces termes : « Dans « Rerum novarum », la pensée a acquis une densité qui a impressionné les contemporains. La description de la condition ouvrière face à la « concentration de l’industrie et du commerce » est à la fois précise et poignante (misère, vulnérabilité, déconsidération), preuve d’un conflit social intense. » L’Église alerte alors les responsables et expose des pistes de solutions. Par exemple l’instauration par l’État d’une justice redistributive et la fixation d’un juste salaire.
Cherchant à rapprocher les patrons et les ouvriers, le pape propose l’adaptation des anciennes corporations, il encourage les sociétés de secours mutuel. Surtout, il envisage la création d’autres types d’associations, « soit composées des seuls ouvriers, soit mixtes, réunissant à la fois des ouvriers et des patrons ». Il accepte donc la constitution de syndicats professionnels, en laissant ouverte la question de leur composition.
En 1892, Il encourage les catholiques français à se rallier à la République, ce qui n’ira pas sans turbulences en 1905 au moment de la séparation des Églises et de l’État. En France justement, la loi autorise les syndicats en 1884. Le premier syndicat chrétien, le Syndicat des employés du commerce et de l’industrie, est créé en 1887, suivi par les premiers syndicats chrétiens féminins. En 1919, ils fonderont la CFTC dont sera issue, en 1966, la CFDT.
D’autres chrétiens, plus nombreux, feront le choix de la CGT, fondée en 1895. Syndicat de classes, laïque, elle rassemble les salariés sur leurs intérêts communs quelles que soient leurs opinions philosophiques, politiques ou religieuses. Si nul ne peut prévoir ce que sera le pontificat de Léon XIV, on sait donc déjà que l’Église catholique est décidée à prendre à bras-le-corps les grands problèmes sociaux du monde contemporain. C’est à la fois une bonne nouvelle et un défi.
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