« Prendre le temps de regarder si les projets existants sont nécessaires et identifier les leviers pour les financer de manière soutenable, crédible et durable ». François Bayrou a lancé, sans annonce concrète, la conférence de financements des infrastructures, lancée lundi 5 mai depuis Marseille (Bouches-du-Rhône). Intitulée Ambition France transports, ses conclusions sont attendues avant la fin juillet.
« En raison de décennies de sous-investissement, les réseaux sont vieillissants. L’âge moyen des caténaires est de 40 ans. Au moins 50 % des chaussées du million de kilomètres de nos routes sont dégradées, comme 34 % de nos ponts, déplore le premier ministre. Ces chiffres ont augmenté de 4 % à 5 % entre 2018 et 2022. Un réseau qui vieillit est un réseau qui se dégrade. »
Quatre groupes d’étude et une journée au CESE
Plus de 30 experts de l’État ainsi que des représentants des régions, du patronat, des associations d’usagers et des acteurs des transports tâcheront de définir les priorités et les sources de financements pour les mobilités, sous la houlette de l’ex-ministre des Transports Dominique Bussereau. Ils seront répartis dans quatre ateliers thématiques : modèle économique des autorités organisatrices de la mobilité et Service express régional métropolitain (SERM), financement des infrastructures routières, service ferroviaire de voyageurs et report modal et transports de marchandises. Une journée d’étude est programmée au conseil économique social et environnemental (CESE), le 20 mai, avec la société civile et les syndicats.
« La colère des gilets jaunes est née aussi de l’inégalité d’accès aux mobilités à un coût raisonnable. Un Français sur 3 a déjà refusé un emploi par manque de mobilité. Et des entreprises sont amenées à écarter des candidats sur le critère de la durée ou de la fiabilité du trajet domicile-travail », avance le locataire de Matignon.
Pour y répondre, l’exécutif table notamment sur le développement des SERM, annoncés en 2022 par le chef de l’État, alors que 26 projets ont été labellisés. Un rapport sénatorial chiffrait en novembre 2025 entre 20 et 30 milliards d’euros les coûts d’investissements nécessaires pour les SERM, dont 9 milliards pour le seul projet de l’Étoile ferroviaire lilloise. Un enjeu aussi de dépollution, alors que les transports sont responsables de 30 % des gaz à effet de serre, dont 95 % issus du seul secteur routier.
Face à ses urgences, l’exécutif devra résoudre l’équation suivante : trouver les sources de financements pour soutenir les investissements indispensables afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050, tout en assumant une réduction de la dépense publique de 40 milliards en 2026. « Le danger d’un abandon de projet est évidemment présent. Mais nous devons pousser toutes les exigences en matière d’infrastructure, car elles sont indissociables des modalités de transports de demain. La France a déjà pris un retard important », prévient Jean-Luc Gibelin.
Les profits des autoroutes ciblés par François Bayrou
Le vice-président PCF d’Occitanie, qui représentera les Régions de France à l’atelier ferroviaire, espère déboucher sur une loi pluriannuelle de financement des infrastructures. Dans ce contexte, quid du plan de 100 milliards pour le rail, annoncé par 2023 par l’ex première ministre Élisabeth Borne et dont les fléchages se font attendre ? « L’objectif de cette conférence est justement de regarder l’adéquation de ces engagements avec les ressources disponibles », prévient auprès de l’Humanité une source gouvernementale. Seul projet confirmé : la régénération de la ligne Marseille Briançon, indispensable pour la bonne tenue des jeux Olympiques d’Hiver 2030.
Seule piste crédible abordée par le premier ministre, l’avenir des concessions autoroutières. Les 4,1 milliards d’euros de dividendes qu’elles ont versés en 2023 semblent ciblés par l’exécutif, alors que les contrats d’exploitation arrivent à leur terme entre 2031 et 2036. « La fin de ces concessions offre une opportunité sans précédent pour rediriger les recettes vers les projets de transports », a maintenu François Bayrou.
« Cet argent doit revenir dans le giron public pour développer les mobilités décarbonées, alors qu’il manque 1 milliard d’euros par an pour régénérer le réseau ferré existant », tranche Antonin Mazel, expert ferroviaire au cabinet 3 E Consultants. Le résultat net cumulé, après amortissement des coûts d’achats, d’entretien et d’investissement, des sociétés concessionnaires approche les 50 milliards d’euros, entre 2006 et 2024.
Le média que les milliardaires ne peuvent pas s’acheter
Nous ne sommes financés par aucun milliardaire. Et nous en sommes fiers ! Mais nous sommes confrontés à des défis financiers constants. Soutenez-nous ! Votre don sera défiscalisé : donner 5€ vous reviendra à 1.65€. Le prix d’un café.Je veux en savoir plus !