« Les attaques que subit la recherche scientifique ne datent pas d’hier. Elles se sont seulement intensifiées depuis janvier 2025 », lance Anaïs Le Fèvre-Berthelot, américaniste, maîtresse de conférences à l’université Rennes-II, à l’occasion d’une conférence de presse du collectif français Stand Up for Science, organisée en marge de l’événement Choose Europe for Science.
« Les mesures prises par Trump s’ancrent dans l’idéologie de la droite conservatrice. En 1972, Nixon disait déjà « The professors are the enemy » ! » rappelle la chercheuse. Depuis le 20 janvier et le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la communauté scientifique subit des attaques sans précédent.
« Depuis trois mois, Trump suit scrupuleusement la feuille de route du « Project 2025 », rédigé par le think tank d’extrême droite Heritage Foundation, qui s’attaque en premier lieu aux populations minorisées et aux libertés académiques », ajoute Anaïs Le Fèvre-Berthelot.
« Une telle politique favorise des contre-vérités »
De nombreuses coupes ont en effet ciblé des programmes jugés « woke », terme péjoratif utilisé par les conservateurs pour désigner des politiques de promotion de la diversité ou des courants de recherche universitaire sur le genre ou les discriminations raciales, à commencer par le retrait des politiques de DEI (diversité, équité et inclusion).
Les scientifiques français s’alarment des conséquences du démantèlement d’agences fédérales de premier plan, à commencer par l’USaid, qui pesait 41,37 milliards d’euros en 2024 et permettait de financer 42 % de l’aide humanitaire mondiale. « Des milliers de personnes sont en danger de mort, car elles ne vont plus recevoir leur traitement ! Des programmes de recherches sur le VIH ou le climat ont été arrêtés. Non seulement les connaissances vont stagner, mais cela va aussi coûter beaucoup d’argent. Pire, une telle politique favorise des contre-vérités », s’alarme Alain Fischer, immunologue et professeur au Collège de France.
Le budget de la recherche française en baisse
« Cette désorganisation va avoir des conséquences sur le long terme. Même si une autre administration arrive, il ne suffira pas de rallumer la lumière pour tout recommencer. Pour s’en prémunir, il faut protéger les libertés académiques, arrêter de précariser les enseignants-chercheurs et réfléchir intelligemment à l’accueil des scientifiques américains », plaide Anaïs Le Fèvre-Berthelot. Un défi alors que le dernier budget pour l’enseignement supérieur et la recherche française a baissé de 1,5 milliard d’euros, tandis que 1,6 milliard d’euros de crédits ont été annulés pour 2024 et 2025.
« Ce qui se passe aux États-Unis ne doit pas nous rendre aveugle. Les mêmes germes infectieux sont déjà là en Europe ! En 2020, Macron avait accusé le monde universitaire d’avoir cassé le monde en deux », peste Bruno Andreotti, physicien, professeur à l’université Paris-Cité, qui pointe la « duplicité » de l’exécutif dans l’accueil des chercheurs américains. Le 25 avril, celui-ci supprimait par décret 400 millions d’euros de budget de la recherche en France, dans le cadre des économies supplémentaires de 5 milliards d’euros.
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