Avec la montée des risques climatiques, de plus en plus de communes peinent à trouver un assureur. Nombreuses se retrouvent sans assurance ou contraintes à accepter des contrats aux conditions drastiques et aux tarifs inabordables. Face à ce fléau, le gouvernement a organisé le 14 avril une réunion entre assureurs et représentants des collectivités. Elle s’est terminée par la signature d’une charte et la création d’une « cellule d’accompagnement et d’orientation » avec l’objectif affiché qu’aucune commune ne reste sans assurance.
Insuffisant pour Vincent Bony, maire PCF de Rive-de-Gier, dans la Loire, dont la ville a été frappée par une inondation majeure en 2024, submergeant le centre-ville et dévastant nombre d’équipements publics. Il revient ici sur les difficultés rencontrées par sa ville et sur une réforme discrètement mise en place par le gouvernement d’Élisabeth Borne qui a contribué à aggraver un marché de l’assurance peu intéressé par les « clients » jugés trop risqués.
Votre commune a connu plusieurs épisodes climatiques violents ces dernières années. Quelles en ont été les conséquences ?

Vincent Bony
Maire PCF de Rive-de-Gier
Nous sommes une commune classée en zone inondable, avec un plan de prévention mis en place par l’État. Nous avons subi plusieurs épisodes marquants : en 2003, 2008, et surtout en octobre 2024 avec plus de 3 millions d’euros de dégâts sur des biens municipaux. À cela s’ajoutent des toitures abîmées par la grêle en 2022, et 350 000 euros de dégâts lors des émeutes de 2023. Ce cumul d’aléas a fini par nous coûter cher. En septembre 2023, Groupama, notre assureur à l’époque, nous a tout simplement annoncé, sans discussion possible, qu’il ne renouvellerait pas notre contrat.
Vous avez alors sollicité un autre assureur ?
Nous nous sommes tournés vers la SMACL, la mutuelle spécialisée pour les collectivités. Ils nous ont proposé une assurance mais avec une franchise de 2,5 millions d’euros en cas d’émeutes urbaines ! Nous avons accepté car nous pensions ne pas revivre ce type de crise tout de suite. Et puis mieux valait une couverture imparfaite que de rester totalement à découvert.
Mais entre-temps, une réforme est venue bouleverser les règles ?
Un décret signé par Élisabeth Borne, applicable au 1er janvier 2024, a modifié les règles d’indemnisation des collectivités : désormais, en cas de catastrophe naturelle, c’est la franchise la plus élevée du contrat qui s’applique. Nous avons découvert cela après l’inondation d’octobre. Résultat : la SMACL a tenté de nous imposer la franchise des émeutes pour une inondation. C’est une confusion des risques totalement injuste, une double peine, pour nous.
Vous dénoncez un marché de l’assurance devenu hostile aux communes. Pourquoi ?
Parce qu’aujourd’hui, plus personne ne veut assurer les collectivités. Il ne reste que deux grands acteurs : Groupama pour les petites villes, et la SMACL pour les autres. Ces deux-là, qui ont longtemps cassé les prix pour garder des parts de marché, en viennent aujourd’hui à sélectionner les communes qu’ils acceptent d’assurer. Certaines ont vu leur contrat résilié. Une commune a dû aller chercher son assurance au Japon.
« À quoi bon déclarer les dégâts ? La franchise est tellement élevée qu’on ne sera jamais indemnisé. Moi, je n’ai rien déclaré au moment des inondations, parce qu’avec une telle franchise, ça n’aurait servi à rien. Et en plus, ça aurait fait grimper mes cotisations », m’a confié un collègue maire de la vallée.
L’État pourrait-il jouer un rôle ?
Il n’y a aucune obligation légale pour une commune d’être assurée. Mais nous avons une flotte de véhicules, des bâtiments, des agents à protéger. C’est un devoir de gestionnaire, pas une option. Pourtant, le marché privé ne joue plus son rôle. Et le gouvernement laisse faire. Alors même que les assurances font des profits records. Les collectivités locales sont devenues un segment abandonné car jugé peu rentable.
Comment résoudre cet écueil ?
Une première piste serait une assurance publique, mais pas uniquement pour couvrir les sinistres que le privé ne veut plus prendre en charge, sinon on déresponsabiliserait complètement le marché. Je pense plutôt à un système de mutualisation obligatoire : toutes les collectivités, y compris les plus grandes – Paris, Lyon, Marseille – seraient tenues d’y cotiser. Ce serait plus équitable, plus solidaire. Mais cela reste compliqué, car toutes les communes sont exposées à des risques, parfois très différents, et les niveaux de sinistralité ou de moyens ne sont pas comparables.
Et la deuxième piste ?
La seconde idée, soutenue par la commission des finances du Sénat, serait de donner plus de pouvoir au médiateur de l’assurance. Cela permettrait à des communes ne trouvant aucun assureur de se voir délivrer par le médiateur une « prescription » d’assurance : un contrat-type adapté à la situation de chaque commune, avec une franchise et une cotisation fixées selon son patrimoine, ses risques réels, etc. Ensuite, toute compagnie d’assurances serait tenue légalement de l’accepter. C’est exactement le modèle qui existe déjà pour les propriétaires de véhicules en difficulté.
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