La pression internationale peut-elle faire plier Benyamin Netanyahou ? Fabien Roussel appelle les gouvernements occidentaux à « prendre les mesures contraignantes », alors que l’armée israélienne a lancé une nouvelle phase dans la guerre à Gaza, aggravant le génocide et visant l’occupation totale de l’enclave palestinienne.
« La France peut faire le choix de cesser l’ensemble de ses relations commerciales avec Israël et de rappeler son ambassadeur », mesure le secrétaire national du PCF, qui appelle par ailleurs les forces progressistes à un rassemblement lundi 26 mai au Trocadéro, sous le slogan « Stop aux massacres, la paix maintenant, reconnaissance de l’État de Palestine ».
La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a annoncé que l’UE allait réexaminer son accord d’association avec Israël face aux agissements du gouvernement de Netanyahou à Gaza. Est-ce suffisant ?
Face aux atrocités commises à Gaza, les réponses doivent être fortes. Suite aux attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023, plus de 52 000 Gazaouis sont morts sous une pluie de bombes israéliennes, dont plus de 15 000 enfants. Nous assistons à un véritable nettoyage ethnique. Désormais, une famine est délibérément organisée par le gouvernement de Benyamin Netanyahou, et utilisée comme arme de guerre.
Il s’agit d’un génocide : les intentions sont clairement affichées par les responsables du gouvernement israélien qui prônent l’anéantissement et l’effacement du peuple palestinien et l’extension de la colonisation. En comparaison de leur fermeté affichée à l’égard de la Russie, les chefs d’État européens se terrent dans un deux poids, deux mesures. La diplomatie française demeure dans une inaction très grave, se contentant de postures déclaratives, sans prendre les mesures contraignantes qui s’imposent à l’encontre d’Israël.
Lesquelles ?
Il faut de la fermeté et du concret ! L’Union européenne déclare qu’elle va seulement commencer à étudier éventuellement l’accord d’association avec Israël. Stop, il faut le remettre en cause maintenant. Les dirigeants européens savent aller vite contre Poutine mais ils sont extrêmement lents pour mettre des mesures en place contre Netanyahou. La France peut faire le choix de cesser l’ensemble de ses relations commerciales avec Israël et rappeler son ambassadeur.
Benyamin Netanyahou et ses ministres doivent comparaître devant la Cour pénale internationale. Je me suis aussi adressé aux 4 000 Français binationaux engagés dans l’armée israélienne. Je leur demande d’interroger leur conscience et de déposer les armes. Comme d’autres soldats israéliens l’ont fait, ils peuvent refuser d’être complices de la première entreprise génocidaire du XXIe siècle. Sinon, ils devront en répondre devant la justice française et internationale.
Le PCF appelle à un rassemblement ce lundi 26 mai, au Trocadéro à Paris, à 19 heures. Quels sont les contours de cette initiative ?
Les peuples du monde entier sont horrifiés par les images qui nous parviennent de Gaza. Mais, l’incertitude demeure sur les modes d’actions permettant d’agir pour mettre un terme à ces crimes de guerre. Le PCF propose aux Français, aux forces progressistes, aux associations, aux syndicats, de se mobiliser derrière un slogan commun : « Stop aux massacres, la paix maintenant, reconnaissance de l’État de Palestine ». Je souhaite que ce rassemblement soit large. Nous devons faire converger les forces progressistes de tous bords.
Comment accroître la pression pour obtenir, au minimum, un cessez-le-feu ?
J’ai en mémoire l’immense campagne contre l’Apartheid. Il a fallu des mobilisations dans l’ensemble des capitales pour obtenir la chute du régime raciste d’Afrique du Sud, ainsi que la libération de Nelson Mandela. Aujourd’hui, Benyamin Netanyahou se sent non seulement impuni, mais soutenu par Donald Trump et une partie des États européens. La pression populaire doit s’accroître sur ces gouvernements. La jeunesse ne doit pas craindre de s’engager. Pour notre part, le Parti communiste français a lancé différentes initiatives de solidarité concrète, dont celle d’une campagne de collecte pour planter un million d’oliviers dans les territoires palestiniens.
Le PCF organise en lien avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) une conférence le 4 juin prochain. Quels en sont les objectifs ?
L’OLP a demandé au PCF de coorganiser une conférence pour réclamer la reconnaissance d’un État de Palestine, aux côtés de celui d’Israël, dans les frontières de 1967. Nous avons immédiatement répondu favorablement et nous planchons avec l’Autorité palestinienne depuis plusieurs mois sur cette journée. Des dirigeants de l’OLP feront le déplacement. Des représentants de pays européens et arabes seront présents, ainsi que des ambassadeurs, des responsables politiques et syndicaux français.
En cours de finalisation, la conférence coorganisée le 4 juin par le PCF et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) verra les interventions de membres du comité exécutif de l’OLP désignés par le président Mahmoud Abbas, notamment celle d’Ahmed Saïd Al Tamimi, président du Conseil palestinien des droits de l’homme, et de Faysal Aranki, président du département des Affaires des expatriés. Des figures palestiniennes, dont Munib Rashid Al Masri, seront également présentes, place du Colonel-Fabien à Paris, ainsi que le président du Parti de la gauche européenne Walter Baier. Des représentants d’ambassades en France ainsi que des représentants politiques, syndicaux et associatifs, et des universitaires, dont Jean-Paul Chagnollaud pour l’iReMMo, tous et toutes engagés pour la reconnaissance de l’État de Palestine, prendront part aux travaux.
L’ex-président de la République François Hollande et l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine ont confirmé leur participation. Je suis en contact avec l’Élysée sur ce dossier car cette conférence se tiendra à la veille de l’initiative de la France à l’ONU à la mi-juin. Il est temps que la France prenne ses responsabilités en reconnaissant l’État de Palestine. Le rapport de force à l’encontre du gouvernement israélien doit s’intensifier, notamment au travers des diplomaties internationales. Il faut aussi mettre dans les discussions la fin de la colonisation en Cisjordanie et dans les territoires occupés. En dépit des résolutions de l’ONU, les implantations de colonies israéliennes se sont intensifiées, parallèlement aux massacres commis à Gaza.
L’Espagne a non seulement reconnu l’État de Palestine, mais est aussi revenue sur des contrats d’armement avec le gouvernement israélien. La France a-t-elle tenu son rang ?
Non et notre gouvernement aurait dû prendre la tête d’un ensemble de pays pour exercer une pression diplomatique et politique contre Israël et le gouvernement américain, ce qu’elle a fait contre Poutine. Plutôt que de multiplier des communiqués, Emmanuel Macron devrait se tenir aux côtés de l’OLP pour reconnaître l’État de Palestine. La France n’est pas à la hauteur de son histoire.
À l’image de Jacques Chirac, d’anciens chefs d’État ont été plus respectueux des peuples. Nous sommes passés d’une France de l’action à celle des communiqués. Auparavant, par notre indépendance diplomatique et les valeurs que nous portions, nous étions un pays respecté à l’international, y compris par les États-Unis. Lorsque la France a dit non à la guerre en Irak en 2003, nos concitoyens étaient rassemblés derrière cet objectif. Aujourd’hui, par son attentisme, Emmanuel Macron ne rassemble pas les Français.
Israël interdit depuis le 2 mars l’accès des convois humanitaires à Gaza. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, dénonce l’utilisation de cette aide « comme une arme et un outil politique pour atteindre ses objectifs illégitimes ». Partagez-vous cette analyse ?
Oui. Après les destructions des logements, des hôpitaux, des écoles, des réseaux d’eau, des tirs de snipers contre des enfants, la famine est imposée aux Gazaouis. Mais en réalité, l’utilisation de l’aide alimentaire comme une arme de guerre n’est pas nouvelle.
En mars 2024, lorsque j’ai conduit une délégation du PCF en Cisjordanie, des ONG nous alertaient des mesures mises en place par Israël pour affamer des quartiers. Ces crimes sont désormais commis à l’échelle entière de la bande de Gaza. Ce sont des crimes contre l’humanité avérés. L’ensemble des pays devraient dénoncer ce massacre. Ne rien faire c’est être complice.
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