Le président de la République a accordé un entretien exclusif à Midi Libre et d’autres journaux de la presse régionale, avant la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc-3), qui débute lundi à Nice.
La France coorganise avec le Costa Rica la troisième conférence des Nations Unies sur l’océan (Unoc) où une cinquantaine de chefs d’État seront présents : “jamais autant n’ont été mobilisés” sur cette question.
1 Pourquoi protéger les océans
Pour Emmanuel Macron, le moment est crucial, “les questions climatiques sont remises en cause par certains”, mais la mobilisation “permettra ensuite un plan d’action”.
Le chef de l’État partage le constat des scientifiques : « Nos océans sont victimes du dérèglement climatique, avec un réchauffement des températures, l’acidification du milieu, des mécanismes de surpêches de plus en plus criants et la pollution plastique continue de s’accroître.”
Il rappelle pourtant l’utilité de ces mêmes océans : “Ils sont au cœur de l’enjeu dans la lutte pour réduire les émissions de CO2 et protéger la biodiversité. Ils sont la source de 50 % de l’oxygène que nous respirons, c’est le premier puits de stockage carbone, il stocke 90 % de la chaleur générée par les gaz à effet de serre. Et cet espace naturel fait vivre 3 milliards de personnes.”
Son objectif ? Répondre à des défis. Comme la décarbonation du transport maritime où la lutte contre la pollution plastique.
2 Un traité pour mettre fin au “far-west”
Ce sera l’un des principaux enjeux de la Conférence des Nations Unies sur l’océan. Le traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, connu sous le sigle anglais BBNJ (Marine Biodiversity of Areas Beyond National Jurisdiction), doit être ratifié par au moins 60 pays pour pouvoir être appliqué. Sans cela, ce sera un “échec”, a prévenu l’ambassadeur pour les océans, Olivier Poivre d’Arvor, le 19 mai.
Réguler grâce à cet accord contraignant, ces zones marines de non-droit, ce “far-west”, c’est le “premier objectif”, souligne Emmanuel Macron. Sera-t-il atteint ? “Les dernières heures sont à la mobilisation, rendez-vous lundi soir, mais moi, je suis confiant, glisse le chef de l’État. Nice sera l’occasion d’avoir les 60 ratifications, engagements de ratification qui nous permettront de le faire entrer en vigueur en fin d’année”, assure-t-il.
3 L’objectif de 30 % de protection
Le Président maintient son objectif de 30 % d’aires marines protégées dans les eaux territoriales, “nous allons, avec des annonces importantes, permettre des protections avec aussi des contrôles”.
En Polynésie révèle-t-il, “une des plus grandes aires marines protégées au monde” va être créée. Par ailleurs, de concert “avec les scientifiques et les pêcheurs”, Emmanuel Macron annonce la création des protections renforcées “dans certaines zones clairement identifiées. Là où il y a aujourd’hui 4 % de protection forte, avec les annonces, au 1er janvier 2026, on passera à 10 %.”
Mais de quoi parle-t-on alors que les ONG environnementales poussent pour une protection stricte avec l’arrêt des activités de loisirs et surtout des pêcheurs au chalut ? Cela signifie “ne plus avoir d’activité, de chalutage de fonds en particulier” abonde le chef de l’État.
Reste la question cruciale des financements, nerf d’une protection efficace pour éviter les AMP de “papier”. “Un plan européen que nous annoncerons avec Ursula von der Leyen va permettre de financer toutes ces actions et également de renforcer les actions de recherche” répond-il, moins disert en revanche sur les moyens accordés par l’État.
4 Quelles garanties pour les pêcheurs ?
C’est un des objectifs de la France lors de ce sommet de l’océan, la question de la survie de la pêche, chalutière surtout. “Nous avons 13 à 14000 pêcheurs en France et 570 chaluts qui opèrent 70 % des prises, c’est très important pour nos criées, rappelle-t-il. Il y a des endroits où l’on doit limiter leur activité parce qu’elle vient, en raclant le fond, perturber de la biodiversité fragile et des écosystèmes à protéger. Nous avons travaillé avec les scientifiques. Il y a eu tout un travail de cartographie qui a fait consensus. Et nous avons un fond de transition de décarbonation qui a été mis en place et qui financera la modernisation des pêcheurs.”
Citant la Méditerranée française où il ne reste qu’une cinquantaine de chalutiers, il rappelle que notre pays reste “aux avant-postes, les espagnols ont 600 chalutiers, les Italiens 400.”
5 Gouvernement et Parlement tancés
Recul sur l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), projet de réintroduction de pesticides néonicotinoïdes, suppression des zones à faibles émissions (ZFE) : l’Unoc-3 débute après une série noire pour l’écologie au Parlement. “La ZFE c’est sorti de la Convention citoyenne. LFI et les autres qui m’attaquaient pour me dire Vous n’avez pas respecté vos engagements. C’est une trahison démocratique. Ce sont les mêmes qui viennent de la détricoter, dénonce le chef de l’État. Je n’ai pas de leçons de d”écologie à recevoir”.
Sur le front de l’environnement ; “je serai cette vigie pour tenir”. affirme-t-il. “Et je ne veux pas que ni le gouvernement ni le Parlement ne cèdent aux facilités du moment. C’est une erreur historique”, estime M. Macron.
“L’écologie c’est forcément des contraintes”, mais “on préfère être toute la journée à brainwasher comme on dit aujourd’hui sur le dernier fait divers, le ceci, cela, l’invasion du pays ou autre”, assène le locataire de l’Élysée, alors que les ambitions présidentielles des figures du socle commun (Retailleau, Darmanin, Attal…) s‘entrechoquent dans une surenchère droitière.
Le chef de l‘Etat n’a pas digéré non plus l’annonce, mercredi, par le ministre de l’Économie Eric Lombard, de la suspension de l’aide MaPrimRénov’. “J’attends du gouvernement que l’on maintienne cette politique et je ne suis pas content de ce que j’ai pu voir ces derniers jours. Ce n’est pas le moment de créer des incertitudes”, sur ce sujet insiste-t-il.
Cible, lui-même, des critiques des défenseurs de l’environnement, qui lui reprochent de ne pas aller assez vite et assez loin, Emmanuel Macron dit assumer un rythme “possible pour le pays” et plaide pour une écologie à la française, plus “juste” et “non punitive”.
“Il ne faut jamais blâmer les gens et discriminer”, argumente-t-il, appelant à en faire plutôt un “levier d’emplois”. Mais “on le voit dans nos sociétés internationales, beaucoup voudraient oublier le combat pour le climat et la biodiversité”, déplore Emmanuel Macron.
Allusion, notamment, au climatosceptique Donald Trump qui, en quelques mois, a réintroduit aux États-Unis les pailles plastiques, claqué la porte de l’Accord de Paris et lorgne désormais sur l’exploitation minière des grands fonds marins. Ce sera l’un des grands absents de ce sommet de Nice.