Rassurer autant que possible sur les futures règles concernant les découverts bancaires censées s’appliquer dans un an. Telle était la mission du ministre de l’Économie et des Finances qui a convié en urgence, mardi après-midi, les associations de consommateurs comme de solidarité, ainsi que les représentants des banques.
Tous sont sortis de Bercy avec la promesse réitérée par Roland Lescure qu’un travail commun sur les textes d’application serait lancé pour s’assurer que la mise en pratique de ces changements en novembre 2026 ne bouleverserait ni la vie des banquiers ni celle des clients.
« Bombe sociale »
Dans le contexte d’une « hausse généralisée de la tarification bancaire, supérieure à l’inflation » en 2025, selon la dernière enquête annuelle de l’association CLVC (Consommation, logement et cadre de vie), toute retouche des conditions d’octroi d’un découvert peut se révéler hautement inflammable.
Or, la transposition dans le droit français d’une directive européenne relative aux contrats de crédit aux consommateurs (CCD2), votée par le Parlement européen fin 2023, offre le combustible. Surtout quand cette transposition passe par voie d’ordonnance – donc loin de tout contrôle démocratique, comme l’ont voté les députés du bloc central et de la droite en avril.
Le 29 octobre, la cheffe de file des députés insoumis Mathilde Panot dénonçait à l’Assemblée un « nouveau coup de force » de la Macronie, avec ces ordonnances instaurant une « permission d’interdire des découverts bancaires, puisqu’il faudra demander à partir de novembre 2026 à son banquier s’il est possible d’en avoir un, le banquier allant contrôler vos revenus, vos charges pour l’autoriser ou non ». C’est une « bombe sociale », alors que « plus de 22 % des Français sont à découvert le 16 du mois », fustigeait l’élue.
Dans les faits, la directive vise à harmoniser les règles des crédits à la consommation à l’ensemble des Vingt-Sept, pour « faciliter le développement des activités (bancaires) transfrontalières ». Dans ce cadre, les autorisations de découvert sont vues comme des crédits déguisés vis-à-vis desquels la directive se fait fort d’unifier les pratiques, afin de « renforcer la confiance et la protection des consommateurs ».
Reste à savoir les conséquences réelles de la transposition de la directive en France. C’est là qu’est le flou. Aucun changement pour les découverts supérieur à 200 euros et de plus d’un mois, déjà scrutés par votre banquier, et pour lesquels les règles du crédit à la consommation s’appliquent déjà.
« Frais de gestion » et « minima forfaitaires »
En revanche, ça change pour les découverts de moins de 200 euros et dont la durée est inférieure à un mois, car les règles du crédit à la consommation s’appliqueront à partir de novembre 2026. En cas de surendettement ou de revenus jugés trop faibles, le découvert pourrait être refusé.
Ce qui embête la Fédération française des banques, tracassée par ces « complexités inutiles » qui contraindront des clients à fournir des informations complémentaires à leur conseiller pour débloquer leur situation. Les établissements ne se sont en revanche pas appesantis sur les « frais de dossier et/ou des frais de gestion », ni sur les « minima forfaitaires d’intérêts débiteurs » liés à l’autorisation de découvert, qu’une quarantaine d’entre eux continuent d’appliquer selon le rapport 2025 de l’Observatoire des tarifs bancaires.
Ce malgré les alertes lancées par ce même observatoire en 2023, qui faisait dire à 60 Millions de consommateurs qu’un client paierait « au maximum 1,30 euro au titre des agios » pour 400 euros de découvert pendant une semaine, quand un autre, « qui aurait 1 euro de découvert pendant une journée, paiera de son côté 7 euros de frais de découvert s’il est client de la BNP ou de la Société générale, et jusqu’à 16 euros chez la Banque populaire occitane ».
Pour les associations de défense des consommateurs, la transposition de la directive revient à suivre un étroit chemin de crête, entre le renforcement nécessaire de la protection des clients et la conservation d’une « souplesse de gestion ». L’Unaf (Union nationales des associations familiales) craint qu’avec une transposition de directive mal ficelée, « de nombreux comptes (passent) « dans le rouge », soit en découvert non autorisé. C’est dans cette situation que les frais d’incidents s’accumulent lourdement », et qu’il « pourrait y avoir également plus de fichages » de particuliers en difficulté. L’association plaide donc pour muscler une autre mesure contenue dans la directive.
Celle qui « demande aux banques et sociétés financières d’orienter, à compter du 1er janvier 2027, tout client en difficulté de paiement vers des services indépendants de conseil aux personnes endettées ».
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