Un rapport gouvernemental sur les Frères musulmans est examiné ce mercredi 21 mai 2025 en Conseil de défense a pour objectif d’alerter sur une “menace pour la cohésion nationale” liée à un islamisme politique diffusé localement dans les municipalités. Mais qui sont les Frères musulmans ? Le point avec Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire et spécialiste des questions stratégiques.
Quelles sont les origines du mouvement ?
Les Frères musulmans sont nés dans les années 20, à l’époque où pratiquement tout le monde arabe est colonisé, donc vous avez deux forces politiques différentes qui vont tenter de porter le nationalisme arabe, vous avez évidemment le socialisme arabe, Nasser, Boumédiène, Kadhafi, etc., et vous avez en concurrence les frères musulmans, qui se sont constitués en Égypte dans les années 20, donc au même moment où Nasser était lui-même dans son ascension. Ils avaient déjà cette stratégie d’entrisme du mouvement indépendantiste et c’est ça qui différencie par rapport à d’autres, à tous ces mouvements qui ont déchiré le monde arabe, le socialisme arabe.
Quelle est la différence historique entre les Frères musulmans et les autres courants politiques du monde arabe comme le socialisme arabe ou le salafisme ?
Le salafisme a été popularisé par l’Arabie saoudite, mais avec justement cette idée que le seul véritable islam, ça doit être le salafisme. Les Frères musulmans et les salafistes sont deux branches séparées, opposées en termes de méthode, pour faire avancer la cause de l’islam partout. Les Frères musulmans ont toujours eu une politique beaucoup plus conciliante, entriste, de petits pas et de se battre sur des fonds secondaires.
C’est un mouvement politique ou religieux ?
Les Frères musulmans sont un mouvement religieux à visée politique. Leur objectif est d’imposer leur vision de l’islam dans la société à travers des structures communautaires. En France, cette démarche se traduit par des revendications comme le port du voile pour les petites filles à l’école, alors même que les autorités n’ont pas opposé de réponse politique claire à cette stratégie.
Le PSG, le Louvre…
Quelle est la relation entre les Frères musulmans et certains États comme le Qatar ?
Le Qatar a joué un rôle essentiel dans leur diffusion. Après avoir été persécutés dans les pays du socialisme arabe, les Frères musulmans se sont réfugiés dans les pays du Golfe, et particulièrement au Qatar. Ce dernier, en manque de légitimité religieuse face à l’Arabie saoudite, a utilisé les Frères pour se positionner dans le monde musulman, tout en investissant des lieux symboliques en France comme le PSG ou le Louvre. Cela leur a permis de s’imposer politiquement et culturellement, sans susciter trop de méfiance.
Un rapport gouvernemental évoque leur présence en France. Que révèle-t-il selon vous ?
C’est la première fois qu’un rapport officiel, fondé sur des moyens de police et non de simples analyses d’experts, pose clairement la question. Il identifie les lieux où des cellules des Frères musulmans sont implantées et croise cela avec leurs domaines de revendication. Ce constat sécuritaire est crucial car il met en lumière une stratégie organisée et cohérente d’influence, visant à se faire reconnaître comme entité représentative des musulmans, sans avoir cette légitimité réelle.