Le regard du politologue montpelliérain Michel Crespy sur le Grand oral d’Emmanuel Macron, ce mardi 13 mai sur TF1.
Que pensez-vous de ce type de format pour le grand oral du président de la République, avec intervenants sur le plateau, questions de Français préenregistrées, et de journalistes ?
C’est sûrement plus intéressant et plus vivant que si on faisait une conférence de presse de deux heures et demie. Bon, cela dit, les sujets abordés, l’ordre dans lequel ils sont abordés, ce n’est pas forcément ce que les Français souhaitent parce qu’on a un Président qui a tendance à s’étaler un petit peu, à vouloir rentrer dans les détails, disons ça pour être gentil.
Et à partir de là, ça paraît toujours un peu long. Et c’est possible qu’un certain nombre de gens aient décroché dès le départ parce qu’on aborde des sujets assez techniques en fin de compte.
L’émission a démarré sur l’international, peut-être le seul sujet sur lequel l’opinion publique juge encore favorablement son action ?
Je pense que la plupart des Français sont déjà convaincus que ce n’était pas indispensable de s’étaler sur des choses qui sont, oui, assez techniques en fin de compte. Ce n’était pas très, très clair et évident parce qu’il faut prendre en compte toute une série de paramètres.
Son problème, c’est ça, il veut toujours faire le tour de tous les paramètres, or ce n’est pas possible. Il ne sait pas trop simplifier les choses qui sont complexes. C’est difficile.
Idem sur la question des droits de douane…
Bien sûr. Ce qui intéresse les Français, c’est leur vie quotidienne, et ce qu’il peut faire sur leur vie quotidienne. On y est venu avec Sophie Binet de la CGT. Jusque-là, ce n’était pas le cas, ça restait très technique. Et je crains que beaucoup de gens aient décroché.
On était effectivement là sur des sujets concernants, l’emploi, les retraites…
Oui, voilà. Mais sur ce sujet-là comme les autres, quelque chose me frappe : on a vraiment l’impression qu’il est toujours président de la République. Je le dis comme ça, mais on a vraiment l’impression qu’il est toujours un président de la République à qui on obéit, qu’il a un gouvernement, qu’il a une majorité, qu’il fait ce qu’il veut.
À aucun moment, on a l’impression qu’il n’a pas de majorité, qu’il est déconnecté et qu’il n’est pas capable de mettre en œuvre la politique qu’il désire. Il parle comme s’il était toujours le président de la République d’il y a cinq ans.
Celui de son premier mandat ?
Oui. Il explique les choses comme ça. Il explique ce qu’il a fait, ce qu’il va faire, ce qu’il faudrait faire, comme s’il n’avait aucune limite politique. C’est ça qui me frappe dans cette émission. Alors qu’il fasse ainsi sur l’international parce qu’en tant que président de la République, il a des prérogatives particulières, soit.
“Quand même un peu surprenant”
À partir du moment où il parle de la politique intérieure française, aussi bien avec Sophie Binet qu’avec Agnès Verdié-Molinié, c’est quand même un peu surprenant. Parce que non seulement il défend son bilan, mais en plus, on a l’impression qu’il n’y a pas de crise politique en France, qu’il a une majorité.
Comme si rien n’avait changé. Comme si rien n’avait changé pour lui depuis 2017.
L’avez-vous trouvé pertinent face à Sophie Binet, notamment sur sa défense pour sa réforme des retraites ?
Oui, parce qu’il défend sa position. Mais là, on a l’impression qu’il est aussi en campagne électorale. Il défend sa position comme si elle allait être soumise au vote. On n’a pas l’impression du tout qu’il est en fin de mandat. On n’a pas l’impression qu’il ne peut pas se représenter.
Il est en campagne électorale, c’est ça. Il explique sa politique, la politique qu’il a menée, la politique qu’il va mener, comme s’il avait une majorité. C’est étonnant.
Ça dit quoi ? C’est une forme de déni de réalité qui frappe les présidents en fin de deuxième mandat comme on a pu déjà le voir ?
Même pas. Ce n’est pas après-moi le déluge. C’est plutôt : je suis toujours là, il n’y a rien à changer. J’ai eu raison. J’ai mené une bonne politique et je vais continuer. Il n’a jamais fait allusion au fait qu’il n’avait pas de majorité, ni à la situation politique. Et quand il parle du gouvernement c’est comme s’il s’agissait du sien.
“Il parle du gouvernement comme s’il s’agissait du sien”
Et quand il se défend, c’est comme d’habitude, sur le ton de l’évidence. Son idée, c’est toujours de dire la politique que j’ai menée, c’est évidemment celle-là qu’il fallait mener. Il n’y en a pas d’autre possible. Après, je ne sais pas s’il est convaincant, mais, lui, est convaincu.
Qu’avez-vous pensé de ces annonces sur de possibles référendums ?
En gros, il a dit qu’il voulait en faire mais qu’il n’avait pas la moindre idée des sujets sur lesquels les faire. C’est l’impression qu’il a donné. Gilles Bouleau a insisté mais il n’a rien dit de plus. Comme s’il voulait faire un référendum juste pour en faire un.