Le sort de la papeterie se joue en ce moment même. Le candidat au rachat, le canadien Fibre excellence, a laissé jusqu’à fin mai à l’État pour concrétiser enfin son engagement : un prêt de 27 millions d’euros permettant de faire redémarrer l’usine. Mais les appels des salariés, soutenus par les élus locaux et la CGT, restaient jusqu’à présent lettre morte.
Cette lutte sociale devenue emblématique, qui cristallise des enjeux à la fois sociaux (emplois industriels), environnementaux (transition énergétique) et politiques (le rôle de l’État dans l’économie), démarre il y a plus de cinq ans.
À l’automne 2019, le groupe finlandais UPM, propriétaire du site situé à Grand-Couronne (Seine-Maritime), annonce son intention de s’en débarrasser. En mai 2020, il licencie les 228 salariés. Une hérésie pour les élus locaux et les syndicats, soutenus par le collectif Plus jamais ça (CGT, Greenpeace, les Amis de la Terre, etc.), qui se mobilise pour relancer le site. Ce dernier est en effet le seul en France à pouvoir produire du papier journal 100 % recyclé.
Développer l’économie circulaire
Tout le monde met la main à la pâte, depuis les salariés, qui remuent ciel et terre, jusqu’à la métropole de Rouen, qui exerce son droit de préemption en mai 2022, en passant par les ONG et la CGT. La survie du site passe par un projet de conversion porté par le géant du déchet Veolia et le leader canadien de la production de pâte à papier marchande, qui permettrait le maintien de 185 emplois directs.
400 000 tonnes de cartons d’emballage seraient produites tous les ans, à partir de papiers recyclés – un modèle d’économie circulaire. Ne manque que le soutien financier de l’État, qui s’est engagé via la Banque publique d’investissement (BPI) à prêter 27 millions d’euros à l’usine pour rassurer les investisseurs et permettre ainsi la levée de dette privée.
Mais la manne financière promise tarde à venir. En décembre 2024, divers acteurs du dossier (Nicolas Mayer-Rossignol, président de la métropole de Rouen, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, et Julie Lesage, maire de Grand-Couronne) écrivent au premier ministre, François Bayrou, pour l’exhorter à intervenir : « Rares sont les projets qui répondent aussi bien à l’impérieuse nécessité de notre pays de réindustrialiser le pays tout en répondant au défi environnemental, résument-ils dans leur lettre. Relancer Chapelle Darblay permettrait de créer de l’emploi industriel non délocalisable, de développer l’économie circulaire en recyclant notre papier en France, et de répondre au besoin de décarbonation notamment de l’axe Seine. Alors que les plans de licenciements se multiplient et que notre industrie est à la peine, nous avons besoin de bonnes nouvelles pour montrer que la désindustrialisation n’est pas une fatalité ! »
« Ce n’est pas un simple projet industriel, c’est un point de rupture », a de nouveau martelé Sophie Binet le 27 mai. Avant d’ajouter que, si le projet n’obtient pas le prêt, « nous demanderons des comptes, il faut qu’on nous donne les raisons d’intérêt général qui ont empêché ce financement alors qu’on a donné des milliards à STMicroelectronics (3 milliards d’euros d’argent public ont été promis à cette multinationale fabriquant des semi-conducteurs – NDLR) ».
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