Benjamin Dierstein connaît la musique. Une évidence, à lire le deuxième volet de sa trilogie politique qui pointe les dysfonctionnements de la France post-soixante-huitarde, pour cet ancien DJ, également à la tête du label rennais Tripalium.
Avec Bleus, Blancs, rouges, lauréat des prix Landerneau Polar et de Polar en séries, Benjamin Dierstein s’était payé les années Giscard, le SAC et la Françafrique. Dans L’étendard sanglant est levé, deuxième volet de la trilogie, il dézingue la fin du règne du « monarque » et le début des années Mitterrand qui, lui aussi, en prend pour son grade. Le prochain s’appellera 14 juillet.
Comme le laissent présager les titres choisis, la République et l’idée que l’on s’en fait sont au cœur de l’ouvrage. Et le tableau n’est pas forcément reluisant. « Je n’avais pas forcément envie de tirer à vue sur la République parce que c’est un peu tirer sur une ambulance », indique l’auteur.
« Je voulais montrer des personnages qui parce qu’ils sont jeunes croient fort à ce qu’on leur a inculqué. Très vite, ils se rendent compte que ces idéaux républicains sont très pervertis », poursuit-il.
Le roman agrège différentes sources
Les personnages centraux demeurent. Gourv, flic infiltré dans les milieux d’ultragauche, sait de moins en moins qui il est réellement. Jacquie Liénard, policière ambitieuse, espère prendre du galon avec la possible arrivée de la gauche au pouvoir.
Paolini, flic corse, membre du SAC, essaie de s’affranchir de son environnement familial qui navigue en eaux plus que troubles. Quant au colosse Robert Vauthier, mercenaire devenu l’un des rois de la nuit parisienne, il continue ses basses œuvres et tente de nouer des relations avec le nouveau pouvoir.
Il est vrai qu’en grattant les dessous-de-table de cette France, passée à gauche, « L’étendard sanglant est levé » semble amener la trilogie vers un autre bord politique. Bien sûr, le portrait de Giscard et ses amis restent cinglant. Mais au pouvoir, traversée par des injonctions contradictoires, la gauche apparaît moins sympathique.
Avant tout, Dierstein est toujours aussi désenchanté. Et son écriture, toujours aussi riche. Le roman agrège différentes sources, mêle de vraies et fausses manchettes des journaux de l’époque, falsifie des rapports de police ou des notes des RG et s’appuie sur des dialogues souvent fleuris, renvoyant à une époque où il était de bon ton d’être sexiste, homophobe et raciste.
Après un prologue africain en 1965, donnant une nouvelle clé sur le personnage de Vauthier, le roman commence véritablement en janvier 1980 pour s’achever en juin 1982. Toujours aussi foisonnant avec près de 900 pages, plus d’une centaine de personnages – l’index à la fin du livre est d’une grande utilité – et de nombreux acronymes, cette œuvre s’apparente à un document littéraire passionnant sur les dessous d’une République pas toujours exemplaire. De quoi patienter jusqu’à la publication du volet final, 14 juillet.
L’étendard sanglant est levé, de Benjamin Dierstein, Flammarion, 914 pages, 24,50 euros
Au plus près de celles et ceux qui créent
L’Humanité a toujours revendiqué l’idée que la culture n’est pas une marchandise, qu’elle est une condition de la vie politique et de l’émancipation humaine.
Face à des politiques culturelles libérales, qui fragilisent le service public de la culture, le journal rend compte de la résistance des créateurs et de tous les personnels de la culture, mais aussi des solidarités du public.
Les partis pris insolites, audacieux, singuliers sont la marque de fabrique des pages culture du journal. Nos journalistes explorent les coulisses du monde de la culture et la genèse des œuvres qui font et bousculent l’actualité.
Aidez-nous à défendre une idée ambitieuse de la culture !Je veux en savoir plus !


