Pendant trois ans, entre 2020 et 2023, Camille de Joinville est venue, en tant que psychothérapeute, à la rencontre de centaines de personnes enfermées dans un centre de rétention administrative (CRA), dont celle qui a pris un nom d’emprunt préfère taire la localité. Sa crainte : que son témoignage ne serve de prétexte pour stopper cette initiative d’accompagnement psychologique. Imaginé par le médecin responsable du service médical, ce dispositif a permis aux retenus, à raison d’une demi-journée par semaine, d’exprimer leur détresse psychologique. Et à Camille de Joinville de se plonger, mois après mois, dans le quotidien et les tortures intimes des personnes retenues.
La trentenaire ne connaissait rien de ces lieux d’enfermement chargés d’exécuter les procédures d’éloignement du territoire, qui, pour beaucoup, n’aboutissent pas. Rapidement, elle décide de mettre en forme ses notes à la fin de chaque séance d’entretien. Des pages et des pages de récits cliniques vont s’accumuler, dont elle va tirer, un an après la fin de sa mission, un texte en dix feuilletons, où sont relatées ces rencontres, « ces situations d’impasse et d’attente » et les « manifestations de souffrance et…