Il est arrivé au Parquet national financier à 13 h 45, quinze minutes avant l’heure de sa convocation, dans une voiture aux vitres fumées, accompagné de ses avocats. Trois quarts d’heure plus tard, Nicolas Sarkozy était reparti. Sans un mot pour la presse. Sans un regard. « Il n’y a aucune volonté d’humiliation de la part de la justice, précisait lundi un haut magistrat. Aucune volonté de le jeter en pâture. »
La date et les modalités de son incarcération, qui venaient de lui être notifiées, sont restées toute l’après-midi un secret très bien gardé. Ce sera pour le 21 octobre, a fini par lâcher une source judiciaire, laissant entendre que l’entrée derrière les barreaux de l’ancien chef de l’État, condamné à cinq ans de prison dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007.
Deux de ses coaccusés sont déjà au « quartier des vulnérables »
Parce qu’il réside à Paris, c’est à la prison de la Santé que Nicolas Sarkozy sera détenu. Au « quartier des vulnérables », qui accueille déjà deux de ses coaccusés, l’intermédiaire Alexandre Djouhri et le banquier Wahib Nacer, avec lesquels la justice lui a interdit tout contact ? Ou au quartier d’isolement, plus sécurisé, confiné et abrité des regards, où l’ancien chef de l’État n’aura aucun contact avec le moindre codétenu et où chacun de ses déplacements entraînera le blocage de la prison tout entière ?
Le choix de tel ou tel point de chute, jusqu’au dernier moment, est entre les mains du chef d’établissement. Critère principal : la sécurité de ce prisonnier pas comme les autres. « Il faut le protéger des réactions éventuelles des autres détenus, décrypte un surveillant. Et éviter, à tout prix, que la moindre photo de lui ne fuite. »
Qu’il soit à l’isolement ou chez les vulnérables, Nicolas Sarkozy occupera seul les 9 mètres carrés de son nouveau logement. Un privilège, par les temps qui courent, où la surpopulation carcérale conduit à doubler, voire à tripler le nombre de matelas par cellule. Dès le seuil franchi, sans doute formulera-t-il une demande de mise en liberté, comme il en a la possibilité. L’ancien président de la République ayant fait appel de sa condamnation, c’est la chambre des appels correctionnels qui sera alors compétente pour examiner sa requête.
Cette instance méconnue jouera pour lui un rôle crucial, dans les prochaines semaines. Car si le tribunal correctionnel a assorti sa sentence d’une exécution provisoire « en raison de l’extrême gravité des faits », la demande de liberté provisoire que formulera le détenu Sarkozy répond à une autre logique : celle du « risque » que son éventuelle remise en liberté ferait peser sur le dossier, notamment les pressions qu’il pourrait exercer sur des témoins.
« La chambre des appels correctionnels peut tout à fait considérer qu’il n’y a aucun risque, estime une source judiciaire. C’est vraisemblablement ce qui se passera. Et la durée de son incarcération, du coup, sera courte. »
Deux parloirs « famille » par semaine et deux heures de promenade par jour
Quelques semaines ? Quelques mois ? « En général, une fois saisie, il faut compter entre trois semaines et un mois pour que la chambre des appels correctionnels organise une audience. Plus court, ce serait vraiment exceptionnel », précise ce magistrat. Une chose est sûre : depuis lundi soir, Nicolas Sarkozy connaît précisément la date et l’heure à laquelle la maison de la Santé attend son arrivée.
Pour éviter les curieux, sans doute sa voiture aux vitres teintées sera-t-elle autorisée à franchir le lourd portail de l’entrée. Nicolas Sarkozy descendra, en homme libre, de son véhicule. Il se présentera au greffe. Et c’est là, à cet instant précis, que son parcours de détention commencera.
Empreintes digitales. Photo. Numéro d’écrou. Nicolas Sarkozy, qui aura été reçu par le directeur de l’établissement, sera très probablement soumis à une fouille intégrale. Si l’usage d’un ordinateur n’est pas exclu – sans accès à internet, toutefois –, l’ancien chef de l’État sera privé de son portable. C’est au moyen d’un téléphone mural, installé dans sa cellule, qu’il pourra passer des coups de fil à des numéros préalablement autorisés par le juge – ses conversations seront systématiquement écoutées.
Les « parloirs famille » seront restreints à deux par semaine – d’une durée d’une demi-heure en principe. Ses « parloirs avocats », en revanche, ne seront pas limités – Nicolas Sarkozy aura ainsi tout loisir de consulter son dossier et de préparer sa défense. Que ce soit en solo – s’il est à l’isolement – ou accompagné d’un ou plusieurs codétenus – s’il est chez les vulnérables –, il aura droit à deux heures de promenade quotidienne. Il pourra également accéder à une salle de sport ainsi qu’à une bibliothèque.
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