« Dans la grande école hôtelière où je suis allée après le bac, je n’ai pas été protégée. Alors que j’avais parlé à mes formateurs du harcèlement sexuel que je subissais dans l’entreprise où j’étais en stage, j’ai dû retourner dans cette entreprise le terminer. En tant que futur manager, je n’ai pas non plus été formée à d’autres pratiques. Après ma poursuite d’études aux États-Unis, j’ai pris un poste de maître d’hôtel dans un palace parisien, la violence qui y régnait m’a sauté aux yeux », raconte Clara, ancienne directrice de restaurant. C’est cette violence si présente dans la restauration qui l’a poussée à quitter le secteur et l’a décidée, en parallèle de sa nouvelle activité professionnelle, à rejoindre récemment l’association Bondir·e.
Créée en septembre 2020 par des cheffes désireuses de lutter contre les violences, endémiques dans le secteur de la restauration, celle-ci propose notamment des sessions de sensibilisation et de formation par les pairs en direction des élèves (écoles hôtelières, lycées professionnels, CFA). « Le fait que nous travaillions tous en restauration permet de valider l’expérience des jeunes que nous rencontrons. Des personnes extérieures seraient tout de suite indignées par ce qu’elles entendent », souligne Manon Fleury, cheffe de cuisine et cofondatrice de l’association. Une indignation contre-productive tant le secteur se pense comme exceptionnel. Le discours « c’est comme ça, c’est la restauration ! » y est encore très présent.
Mettre des mots sur les pratiques bien trop banalisées
Depuis 2021, 19 interventions ont été réalisées partout en France et 800 élèves ont été sensibilisés. Ces interventions permettent, en partant de situations vécues, de mettre des mots sur les pratiques bien trop banalisées et de rappeler le cadre légal. La liste de ces violences est longue, des plus courantes aux plus graves : violences verbales, propos racistes, sexistes, homophobes, harcèlement moral, violences physiques, harcèlement sexuel, agressions sexuelles, jusqu’au viol.
« Il est important de rappeler que ces pratiques, y compris les plus banalisées, comme le fait de hurler sur un cuisinier ou un apprenti, de le dévaloriser, de l’insulter ou de tenir des propos sexualisés, sont interdites par le Code du travail et que la restauration n’est pas à part », insiste-t-elle. Pendant le dernier quart d’heure, les formateurs sont invités à sortir et des petits papiers sont distribués aux élèves, qui sont invités à poser des questions, partager leur expérience. « Ils peuvent davantage se livrer qu’à l’oral, l’une d’entre eux a ainsi écrit : ”À la fin du service, on jouait à se mettre des coups de torchon, un collègue a perdu un œil, je ne m’en suis jamais remise” », explique Samy Benzekri, responsable du pôle d’écoute que l’association a ouvert début 2024.
Si une prise de conscience s’amorce dans la restauration, des réticences malheureusement subsistent. « Ce sont rarement les formateurs professionnels qui nous invitent à intervenir, ils n’assistent d’ailleurs la plupart du temps pas aux interventions. Il arrive même que des élèves nous fassent part de comportements problématiques de la part de certains. » Le chemin est encore long.
Pour être informé des actions de l’association : www.bondir-e.fr, son actualité est sur sa page Instagram bondir.e
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