La Déclaration des droits de l’homme le proclame, toute personne a droit à la liberté d’opinion et à son corollaire, la liberté d’expression. Et le salarié, même s’il est subordonné, reste un humain. Aussi, il y a plus de trente-cinq ans, le 28 avril 1988, dans un arrêt fondateur, la cour de cassation a jugé que le salarié, dans l’entreprise et en dehors de l’entreprise, peut exercer sa liberté d’expression dans sa plénitude sauf abus et que le licenciement en violation de cette liberté fondamentale est donc nul.
Depuis, inlassablement, elle le répète, et juge que l’abus n’est caractérisé que par l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs. Des propos, même vifs, ne constituent pas un abus. Et malgré cela, inlassablement les employeurs ne peuvent s’empêcher de continuer à licencier le salarié qui ose critiquer, s’exprimer, revendiquer. Quel crime abominable, il doit expier son forfait. Pour éviter le céleste courroux, il faut… la boucler.
La cour d’appel de Paris vient de décortiquer les nombreux propos imputés à une salariée contestataire pour déterminer si elle avait pratiqué cette liberté, comme pour un alcool, avec excès. En période de confinement, alors qu’elle était payée à la commission sur des programmes immobiliers peu rémunérateurs qu’elle devait vendre, avec difficultés, elle exprimait ce qu’elle en pensait ainsi : « LES BRAS M’EN TOMBENT », « il aura fallu plus de 13 000 morts pour avoir des barèmes de com décents, c’est bien triste. Doit-on espérer une 3e guerre mondiale pour maintenir ces taux ». Ou encore, alors qu’elle était informée que l’un de ses contacts était mutualisé « POUR INFO JE NE SUIS PAS MORTE »…
Quand l’employeur, peu adepte des majuscules, considère qu’il s’agit de « propos inadaptés témoignant d’une hostilité et d’une agressivité à l’égard des supérieurs hiérarchiques et du Groupe », la cour d’appel* rappelle qu’il s’agit de l’exercice d’une liberté : « eu égard au contexte lié notamment à la crise sanitaire causée par la Covid-19 et à l’inquiétude qui s’en est suivi quant à la rémunération des salariés notamment de Mme X, basée en grande partie sur des commissions fortement impactées par le confinement et la baisse des ventes », « les propos tenus par la salariée dans ses courriels, qu’elle reconnaît comme étant parfois maladroits, ne sont pour autant ni excessifs, ni injurieux ou diffamatoires mais s’inscrivent dans une contestation et une critique vives des pratiques de l’employeur au sein de la société, sans qu’aucun abus ne puisse être caractérisé ». Son licenciement est donc nul et la société doit la réintégrer.
*Cour d’appel de Paris, 14 octobre 2025 RG22/07066. Avocat de la salariée : Boris Cardineaud.
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