Ce mardi 20 mai 2025, un policier de la Brav-M comparaissait devant le tribunal correctionnel de Paris, pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique, sans incapacité de travail », à l’encontre de Daniel Bouy, un observateur de la ligue des droits de l’Homme (LDH).
Lors de la manif du 1er mai 2021, le prévenu avait poussé et fait tomber au sol l’observateur qui filmait les opérations de maintien de l’ordre aux côtés de deux autres collègues.
Visible dans une vidéo que L’Humanité avait publié dès le 4 mai 2021, cette action intervenait dans un contexte de fortes critiques à l’encontre de l’une des dispositions de la « loi de sécurité globale » visant, sous l’impulsion de Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, à sanctionner la diffusion d’images de gendarmes ou de policiers. Une disposition censurée par le Conseil Constitutionnel le 20 mai 2021.
L’agent assure qu’il était un « obstacle » dans sa course
Daniel Bouy a l’habitude des manifestations. Comme journaliste de télévision, aujourd’hui à la retraite, il en a couvertes de nombreuses. Mais aussi, parce que, en ce 1er mai 2021, il assistait à sa « 6e ou 7e » mobilisation comme observateur de la LDH, aux côtés de deux autres collègues. Leur démarche est bien définie.
D’abord, ils agissent toujours en trinôme : l’un filme, l’autre prend des notes au dictaphone et le dernier veille à la sécurité de ses collègues. Et surtout, parce que cette pratique « s’inscrit dans le cadre du droit international », comme l’a rappelé à la barre Nathalie Tehio, présidente de la LDH. Elle souligne que ces violences contre des observateurs de la LDH ne sont pas isolées et que, bien souvent, les fonctionnaires incriminés ne portaient pas leur RIO, le matricule qui sert à identifier chaque policier, en dépit de l’obligation qui leur est faite.
Au moment des faits, les policiers de la Brav-M chargent les manifestants pour procéder à l’interpellation de l’auteur d’un jet de projectile. Daniel Bouy filme les policiers qui se situent en face de lui et de ses collègues. Il décrit alors une action qui se passe en deux temps : « Je vois un policier s’arrêter juste en face de moi. Une seconde après, je me fais bousculer. Je me relève et je me mets derrière les forces de l’ordre », qui sont alors sur le trottoir, en face des manifestants. Quelques jours plus tard, l’un de ces manifestants envoie à la LDH une vidéo où l’on voit l’agression de Daniel Bouy. « C’est là que je comprends qu’un policier m’a poussé », souligne-t-il.
À la barre, l’agent de la Brav-M tient le même discours que depuis le début de l’instruction. Selon lui, Daniel Bouy était un « obstacle » dans sa course à l’interpellation. S’il a poussé l’observateur, c’est uniquement pour l’écarter de son chemin et rattraper l’auteur du jet de projectile. Lors d’une charge de ce type, avance le policier, les observateurs sont « des manifestants comme les autres ».
Pourtant, les trois membres de la LDH portaient des casques bleus – dont le port est proscrit pour les manifestants – et des chasubles blanches les recouvrant entièrement et où il est ostensiblement écrit leur fonction. « A aucun moment, il n’y a eu la volonté de blesser ou heurter qui que ce soit », répète l’agent, qui assure n’avoir vu la chasuble de Daniel Bouy que pendant sa chute. Ce geste constituait-il une volonté de dissuader ceux qui filment l’action des policiers, dans le contexte tendu des débats sur la loi de sécurité globale? « Je trouve ça un petit peu gros. Si on devait faire peur à chaque personne qui filme… » répond le fonctionnaire.
Cette condamnation est “un rappel pour tous les fonctionnaires de police”
Indemne physiquement, Daniel Bouy estime que le préjudice qu’il a subi a d’abord touché l’exercice de sa citoyenneté : « Ça me pose des questions en tant que citoyen sur le rôle de la police », a-t-il souligné à la barre. Alors que la procureure avait requis 90 jours-amende à hauteur de 10 euros, soit 900 euros, le tribunal a reconnu coupable le policier et l’a condamné à un stage de citoyenneté, consacré notamment à la « déontologie » et aux « valeurs de la République », sans inscription au casier judiciaire.
Mais le policier aura de nouveau rendez-vous au tribunal l’année prochaine, aux côtés de deux de ses collègues pour des « violences en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique », commises en marge de manifestations contre la réforme des retraites.
« La peine correspond à ce que j’espérais, commente Daniel Bouy, à l’issue du procès. C’est un rappel pour les fonctionnaires de police de manière générale : ils n’ont pas à avoir de tel comportement avec des civils dans une manifestation. »
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