C’est un coup de rabot que le gouvernement vient de décider sur un des dispositifs clés de lutte contre le chômage du président Macron. Pour tenter de réaliser entre 93 à 140 millions d’euros d’économies sur l’apprentissage, dont le coût total pour le budget de l’État a été estimé à 14 milliards d’euros par an par la Cour des comptes et à près de 25 milliards par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la ministre du Travail a annoncé que les entreprises participeraient désormais à hauteur de 750 euros au coût de formation de chacun de leurs apprentis si ces derniers ont un niveau supérieur à bac + 3.
Autre axe de la coupe, « la priorisation des financements de l’apprentissage en fonction des besoins du marché du travail », annonce le ministère du Travail, soit la possibilité pour les branches professionnelles de moduler le financement des formations en fonction de leurs besoins. Cela devrait s’accompagner d’une vigilance accrue vis-à-vis de la qualité des enseignements dispensés par les centres de formation des apprentis (CFA) et d’un plus grand conditionnement des aides publiques qui leur seront versées. Ces changements s’ajoutent à la décision prise en janvier de réduire la prime accordée pour l’embauche d’un apprenti, passée de 6 000 à 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et à 2 000 pour celles au-dessus de ce seuil des 250.
Vache à lait pour les employeurs
Ces annonces ont été accueillies avec circonspection par le patronat, très attaché à ce dispositif de soutien public aux employeurs. La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), notamment, a mis en garde dans un communiqué contre le risque « de casser la dynamique » de l’apprentissage et « d’impacter négativement l’emploi des jeunes ».
Il faut dire que depuis son élargissement en 2018, l’apprentissage a été, au côté d’autres aides versées aux entreprises sans contreparties, une véritable vache à lait pour les employeurs. C’est surtout le cas depuis 2020 quand, dans le cadre du plan de relance, une « aide exceptionnelle » qualifiée de « très généreuse et non ciblée » par une étude de l’OFCE s’est ajoutée aux exonérations de cotisations qui existaient déjà sur l’alternance, rendant cette forme d’embauche très économique pour les directions d’entreprise.
« Les apprentis sont devenus de la main-d’œuvre quasi gratuite pour les entreprises, qui préfèrent désormais embaucher des apprentis plutôt que des salariés en CDI ou en CDD, voire des stagiaires (ex. : étudiants) », résume une analyse du Syndicat des agents consulaires et de l’apprentissage SNCA-CGT. Le tout aux frais des contribuables, jamais aucun autre type d’emploi n’ayant bénéficié d’un tel niveau d’argent public. « La dépense publique pour l’apprentissage a atteint 21 milliards d’euros pour l’année 2022, en hausse de 270 % depuis 2018 », calculait l’économiste Bruno Coquet, l’auteur des notes sur la question de l’OFCE. Un montant exponentiel, la générosité des aides ayant entraîné l’explosion du nombre de contrats d’apprentissage, passé de 290 000 en 2017 à 854 000 en 2024.
Aide indiscriminée à l’entreprise
Si ces nouveaux freins visent d’abord à réduire les dépenses publiques, ils soulignent aussi d’autres limites du dispositif d’apprentissage. Présenté comme une politique de lutte contre le chômage des jeunes, ce dernier n’atteint en réalité pas ses objectifs. « On s’aperçoit que lorsque le montant des subventions augmente, les entreprises embauchent plus d’apprentis, mais les gardent moins, expliquait récemment sur France Culture Pierre Cahuc, professeur d’économie à Sciences-Po. La proportion de jeunes qui restent dans leur entreprise au terme de leur apprentissage est de l’ordre d’un tiers. »
Plus grave encore, en élargissant le statut d’apprenti et le versement des aides afférentes aux étudiants du supérieur, les réformes de 2018 et 2020 ont permis aux entreprises d’embaucher des étudiants du supérieur à bas coût au lieu de leur proposer un vrai contrat. Cette surreprésentation des étudiants parmi les apprentis s’est faite au détriment des jeunes sans emploi ni formation, à qui cette insertion dans le monde du travail est pourtant le plus bénéfique et dont la part n’a cessé de se réduire.
Les mesures annoncées s’attaquent aussi à la marge à un autre problème lié à l’explosion de l’apprentissage pointé par de nombreux observateurs : le développement anarchique d’un secteur de l’enseignement privé subventionné par l’État dont la qualité laisse à désirer. Mais elles le font sans jamais remettre en question la logique de fond, qui est celle d’une aide indiscriminée à l’entreprise.
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